La qualité du service universel cuivre d’aujourd’hui fera le succès de la fibre optique de demain

Un besoin impérieux de connectivité de qualité, aussi bien sur la fibre que sur le cuivre.

La crise sanitaire frappant notre pays depuis bientôt 1 an a mis en évidence l’impérieuse nécessité de disposer à son domicile comme dans son entreprise d’une connectivité Internet performante et résiliente. Pour garder le lien avec ses proches, continuer à se former, maintenir l’activité économique.

En dépit des conditions difficiles, les opérateurs ont collectivement poursuivi leurs efforts pour apporter la fibre au domicile et dans les entreprises. Aussi bien les opérateurs nationaux sur le grand public que les opérateurs membres de l’AOTA sur le marché entreprises et collectivité n’ont eu à cœur ces derniers mois de raccorder de nouveaux clients pour accompagner le report des usages.

Pourtant, pour de nombreux concitoyens, entreprises et administrations encore, faute d’offres de gros permettant aux opérateurs tiers de proposer leurs services sur l’ensemble des réseaux, cet accès haut débit reste encore dépendant de la qualité de service du réseau cuivre historique.

La qualité de service du réseau historique fait actuellement débat, les collectivités locales déclarant être assaillies de signalements de leurs administrés, l’opérateur historique après avoir été dans le déni durant de trop longues années finissant par admettre la situation en la mettant sur le compte d’un manque de ressources du fait de tarifs prétendument trop généreux pour les opérateurs alternatifs, alors qu’Orange reste la principale utilisatrice, notamment sur le marché entreprises, de ce bien commun.

La représentation nationale a fait le choix en 1996 de transférer gratuitement, sans droits de mutation, au profit de France Télécom, aujourd’hui Orange, cette infrastructure essentielle qui ne se cantonne pas qu’aux seuls câbles de cuivre, mais concerne également et surtout le génie civil (conduites souterraines, poteaux…) et le foncier technique.

Orange a ainsi retiré de l’accès des opérateurs tiers aux infrastructures dont elle a hérité gratuitement plus de 12 milliards d’euros de revenus payés par les opérateurs tiers. Les tarifs de gros contrôlés par l’ARCEP embarquent par ailleurs une composante accès et maintenance depuis l’origine. Et les comptes régulés font apparaitre chaque année depuis plus de 10 ans un solde positif dépassant la centaine de millions d’euros.

Au total, en incluant les revenus procurés par ses propres abonnés sur le réseau dont elle reste la principale utilisatrice, Orange a retiré plus de 30 milliards d’euros d’un actif dont elle a hérité gratuitement : largement suffisants pour financer l’entretien !

  • Le diagnostic porté par l’AOTA : un manque structurel d’incitation à investir dans l’entretien des infrastructures

L’AOTA tient à rappeler que les réseaux cuivre et fibre optique empruntent les mêmes ressources de génie civil (il n’y a pas de poteaux dédiés pour le cuivre et des poteaux dédiés pour la fibre), et que dès lors, c’est une profonde erreur de régulation que de limiter la problématique de la qualité de service au seul cuivre. Dit autrement, la qualité de service du cuivre aujourd’hui conditionne grandement celle de la fibre de demain.

Or la situation actuelle où les tarifs de gros procurent des revenus récurrents et garantis sans de véritables contreparties concrètes en matière de qualité de service (la seule garantie sur le cuivre se limite à la continuité métallique) n’incite nullement l’opérateur historique à faire ses meilleurs efforts pour entretenir ses infrastructures en procédant au remplacement de poteaux et entretien des adductions de parcelles. Le très fort taux d’échecs de raccordement à la fibre en est l’illustration : le manque d’entretien des ressources utilisées pour le cuivre impacte le taux de souscription à la fibre.

Trop souvent, les opérateurs tiers et les collectivités doivent donc financer (alors que les tarifs de gros embarquent une composante maintenance depuis plus de 20 ans !) la remise à niveau des infrastructures d’Orange, qui ensuite est reversée à son patrimoine.

L’expérience des dernières décennies montre la limite du système centralisé au niveau national de gestion du Service Universel. Une approche purement comptable, comme privilégiée jusqu’à présent sous forme d’indicateurs agrégés nationalement masque en réalité les profondes disparités rencontrées localement et qui génèrent un très fort ressentiment des administrés auprès des collectivités.

Dans le cadre de son audition par la mission flash en cours pilotée la Députée Célia de Lavergne, l’AOTA a proposé plusieurs pistes pour garantir des infrastructures de qualité pour d’une connectivité performante et résiliente…

  1. La première des urgences est de piloter le Service Universel Cuivre à une maille a minima régionale

Comme on a pu le voir en matière de couverture mobile, un pilotage plus fin à la maille du département ou de la région se traduit concrètement par des avancées pour les citoyens : pour cela, l’AOTA suggère la mise en place, sous l’égide de l’Etat, d’une application multi-plateformes et réellement bi-directionnelle pour les usagers et collectivités afin de rapporter des problèmes / endommagements géolocalisés.

Ceci permettant, région par région avec l’appui des chargés de missions numériques des SGAR, de contrôler au besoin sur le terrain la résolution des problèmes et de contacter les parties prenantes tout en mettant l’opérateur titulaire du Service Universel face à ses responsabilités. Et de fournir à l’ARCEP, qui reste structurellement confrontée à un problème d’asymétrie dans l’accès à l’information, de nouveaux mécanismes de contrôle pour renforcer son action graduée de régulation (enquêtes administratives, mise en demeure, et le cas échéant sanction…) vis-à-vis de l’opérateur titulaire.

En sus, la mise en Open Data de nombreux indicateurs permettra à tout à chacun de juger l’efficacité des actions correctives de l’opérateur titulaire du SU cuivre. L’application « Dommages Réseaux » proposée par Orange reste aujourd’hui encore trop monolithique et opaque : elle ne fonctionne que dans le sens remontant vers Orange et n’offre aucune garantie d’intervention de contrôle ou de correction d’une anomalie signalée par les usagers du SU Cuivre.

  • Agir sur les tarifs de gros pour mettre fin à la rente du cuivre

L’AOTA s’oppose fermement à toute augmentation des tarifs de gros du cuivre qui ferait augmenter les tarifs des services xDSL utilisés en bitstream par les opérateurs alternatifs dont les clients n’ont pas tous la chance d’être raccordés en fibre optique : la rente du cuivre dont profite Orange, qui lui procure en effet près de 3 milliards € de revenus par an, devrait largement lui suffire à mettre en place les moyens nécessaires à l’intervention rapide d’équipes sur le terrain !

Toute augmentation, alors que le solde global des comptes régulés reste encore largement positif, des tarifs de gros du dégroupage procurerait à Orange un effet de levier pour accroitre son empreinte sur les accès fibre optique, tout en mettant à l’épreuve la viabilité financière des opérateurs alternatifs qui, pour rester compétitifs vis-à-vis des offres Orange, n’auraient d’autre choix que de sacrifier leurs marges, et donc leurs capacités d’investissement.

  • Des mesures d’accompagnement pour favoriser la fibre optique

Au rang des mesures incitatives pour privilégier la fibre sur la rente du cuivre, l’AOTA suggère par ailleurs d’initier l’extinction plus rapide du cuivre en obligeant l’opérateur titulaire du Service Universel cuivre à proposer une offre de retrait/dépose de lignes cuivres terminales en cas de raccordement par un opérateur en fibre dans un délai de 30 jours après l’activation de la ligne fibre ou, à défaut, dès la mise en service afin de substituer les réseaux. Aujourd’hui, il n’existe pas de moyens de demander à son opérateur de déposer la ligne cuivre desservant un local alors qu’en pratique les accès de secours s’effectuent désormais de plus en plus en 4G et demain 5G.

Par ailleurs, porter le périmètre du Service Universel au niveau d’accès délivrant au moins 8 Mbps de façon effective et non plus théorique, serait une mesure particulièrement incitative pour qu’Orange porte une attention particulière à la qualité de ses infrastructures, notamment en milieu rural.

Plus généralement, l’AOTA tient à rappeler que la situation actuelle déplorable sur les réseaux de raccordement, notamment en zones rurales, n’est que la conséquence de l’absence de mesures réellement incitatives à la charge d’Orange, dont les responsabilités sont immenses en tant qu’héritier sans contrepartie d’un actif constitué par la puissance publique et financé, pour partie, par les collectivités locales. Malgré les remontées des opérateurs et collectivités locales, Orange reste seulement soumise à un engagement de continuité métallique sur l’accès : dit autrement, la qualité de la liaison ou l’état du génie civil ne constituent nullement une raison valable pour obliger Orange à remédier aux dysfonctionnements rencontrés. C’est ainsi qu’un signalement pour poteau renversé se traduisant par des lignes à terre (mais non coupées) se verra refusé en 1er niveau (car continuité métallique établie), obligeant d’escalader avec justificatifs, allongeant ainsi les délais de rétablissement.

A cet égard, l’AOTA regrette profondément le fait que l’ARCEP n’ait pas tenu compte des observations qui lui ont été formulées à plusieurs reprises dans le cadre des consultations publiques réalisées durant le mandat de Sébastien Soriano, n’ait pas réintégré dans ses dernières analyses de marché la prise en charge intégrale par Orange du Génie Civil réalisé par des tiers (opérateurs tiers, collectivités locales déployant des Réseaux d’Initiative Publique) pour réparer ses installations lorsqu’un déploiement de BLOD est réalisé, cette BLOD pouvant aussi supporter outre un raccordement final des services plus critiques (collecte, etc). Les opérateurs et collectivités se retrouvent ainsi contraints de financer un actif versé au patrimoine d’Orange qui est ainsi en mesure de capitaliser sur cet investissement réalisé par un tiers afin d’accroitre son emprise commerciale dans la zone concernée.

L’AOTA réaffirme dès lors son soutien à une véritable séparation fonctionnelle et structurelle d’Orange, séparation utile tant sur le plan du Service Universel cuivre que sur le plan concurrentiel, tant que le marché entreprises & collectivités ne bénéficiera pas du même niveau d’intensité concurrentielle que le grand public…

Malgré l’arrêt programmé du cuivre, cette séparation nous semble d’autant plus indispensable que les infrastructures sont identiques entre le cuivre et la fibre optique. Il importe dès lors qu’elle puisse prendre en compte les infrastructures d’accueil et les lieux d’hébergements (NRO) dont les modalités d’accès restent encore dissuasives et dont l’entretien, notamment en zone rurale, est très souvent problématique (capacités d’hébergement saturés, bâtiment vétustes, alimentation électrique qui n’est plus aux normes, ventilation défaillante…).

L’AOTA encourage la représentation nationale et l’ARCEP à étendre le périmètre du Service Universel aux infrastructures d’accueil (poteaux/fourreaux/adductions de parcelles) utilisées pour déployer la fibre dans tous les territoires. Les collectivités (aidées par des fonds publics nationaux européens) sont de plus en plus contraintes de renforcer la boucle locale d’Orange qui supporte le déploiement des RIP. Ces opérations, financées par des fonds publics, bénéficient à Orange puisque les infrastructures remplacées ou renforcées sont reversées au patrimoine d’Orange.

Cette aide d’Etat sans contrepartie semble de nature à favoriser toujours autant le monopole d’Orange alors que ces renforcements participent d’un bien commun : il convient dès lors de séparer au plus vite ces biens du patrimoine de l’exploitant commercial.

  • Revoir le financement du plan France THD pour prendre en compte la collecte

L’AOTA encourage les services de l’Etat à revoir sa doctrine sur le financement du plan France THD : les réseaux de collecte étaient à l’origine hors du périmètre du plan. Ils doivent non seulement l’être pour faciliter l’arrivée de la concurrence obligée trop souvent encore d’utiliser l’offre LFO dépassée, et pour financer le Génie Civil nécessaire à la résilience des réseaux de collecte et de transport longue distance en particulier.

De même, à l’instar du mécanisme privilégié par certaines collectivité locales en matière de raccordement aux réseaux d’assainissement, le soutien financier à la refonte des adductions de parcelles semble nécessaire dans des territoires urbains (centres historiques) comme ruraux. Ce point crucial, expliquant en effet le très fort taux d’échec de raccordements, est devenu une nécessité absolue tant la connectivité est critique pour de nombreuses années durant et après la crise sanitaire Covid.

Par ailleurs, si Orange porte une grande responsabilité dans le maintien en conditions opérationnelles d’un actif stratégique pour la Nation et dont elle a hérité gratuitement en 1996, l’AOTA tient également à souligner qu’ici la responsabilité est partagée avec les pouvoirs publics. Orange n’est nullement à l’origine du choix, qui a été imposé par l’Etat en 1978 à la DGT, contre l’avis de ses experts, consistant à renoncer aux poteaux métalliques et composites en milieu rural pour privilégier les poteaux bois qui structurellement ne peuvent présenter les mêmes garanties de maintien en conditions opérationnelles dans la durée qu’un poteau métallique ou composite.

Orange et les opérateurs, privés comme RIP, déployant des câbles de communications électroniques sont confrontés au quotidien à l’absence d’encadrement en matière d’instruction et de gestion des permissions de voiries par les collectivités locales. Le manque de moyens accordés à la Justice par le législateur ne permet pas d’instruire dans les délais impartis les trop nombreuses dégradations et agressions que subissent au quotidien les opérateurs et leurs collaborateurs intervenant en domaine public.

Enfin, l’AOTA souhaite que les discussions sur ces sujets participant de l’activité quotidienne de nos concitoyens et acteurs économique puissent s’ouvrir aux représentants des territoires qui connaissent mieux que quiconque les attentes et ressentiments en régions. Les discussions au sein de l’ARCEP sont encore trop souvent opaques, en n’associant que des professionnels de la profession. L’AOTA s’associe pleinement aux souhaits exprimés par les représentants de collectivités et parlementaires de pouvoir participer concrètement aux réunions multilatérales dédiées aux offres d’accès cuivre et Génie Civil afin de mesurer les attentes des opérateurs bénéficiant de ces offres.

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