INTERVIEW PROSPECTIVE – JEAN-LOUIS MELIN, IZARLINK

  • Quels sont les principaux défis auxquels devront répondre les opérateurs indépendants d’infrastructures numériques en France dans les années à venir ?

Pour répondre aux défis de demain, les opérateurs indépendants devront continuer d’investir dans la convergence des services de télécommunications et d’informatique sans se tromper de technologie, en proposant des offres intégrées et en répondant aux attentes des entreprises qui souhaitent avoir accès à une gamme complète de services au sein d’une seule plateforme. L’objectif est de faciliter la gestion des modes de communication des clients et d’améliorer l’efficience de l’entreprise grâce au gain de temps qui en résulte.

C’est pourquoi toute erreur d’investissement ou de non-investissement peut être fatale à la pérennité de l’entreprise. Afin d’accompagner au mieux les opérateurs dans ces nécessaires adaptations de marché, l’AOTA a réorganisé ses échanges internes sous forme de pôles d’expertise, véritables laboratoires techniques et économiques.

Les enjeux liés à la sécurisation des réseaux et des systèmes imposent de relever le niveau de sécurité en permanence, car il s’agit d’un domaine en constante évolution dans un contexte de stockage de données croissant, afin de répondre aux nouvelles menaces qui émergent régulièrement en raison de l’évolution des technologies et des pratiques malveillantes. Par exemple, les attaques cherchant à exploiter les vulnérabilités des systèmes de cloud pour accéder aux données sensibles : les failles de configuration, les faiblesses dans les contrôles d’accès et les erreurs de gestion des identités et des accès.

Le partage d’expériences entre confrères opérateurs constitue alors une base de connaissances opérationnelle pour atteindre les objectifs de sécurité et gagner en rapidité de déploiement, notamment au sein du pôle dédié à la cybersécurité.

Le recrutement de compétences spécifiques est également un pivot essentiel pour intégrer toutes ces nouvelles technologies tout en maintenant un très bon service client. Le numérique est un secteur en pleine croissance, notamment dans le cloud et la cybersécurité, malgré des problèmes de recrutement qui perdurent. À ce titre, je ne crois pas que l’IA puisse se substituer aux collaborateurs dans le domaine des télécommunications. Bien sûr, cette technologie intéressera les grands groupes pour améliorer le service client, mais elle n’arrivera pas à égaler la relation humaine de proximité telle que nous la pratiquons au quotidien. Pour répondre à tous ces défis, la formation des équipes reste la clé de voûte pour garder la cohésion pour continuer d’assurer la croissance de l’entreprise tout en conservant la qualité de service apportée à nos clients.

Enfin, la sauvegarde de notre indépendance et la promotion d’un numérique humain et soucieux de l’environnement restent plus que jamais d’actualité, dans un marché numérique très concentré aux mains de grands acteurs soutenus par les fonds de pension. Il est très important de promouvoir notre modèle d’opérateur/hébergeur avec une proximité réelle ancrée sur nos territoires et soucieux d’œuvrer pour un numérique utile aux entreprises et aux collectivités.

  1. Quelles sont les mutations technologiques, commerciales, réglementaires qui vont avoir un impact sur les opérateurs de proximité ?

Les évolutions technologiques, notamment la 5G/6G l’IA et demain le stockage ADN, demandent aux opérateurs d’investir dans l’infrastructure et les services associés pour rester compétitifs sur le marché.

D’un point de vue réglementaire, la protection des données, le projet de loi sur la régulation des espaces numériques et le Telecom act sont autant de réglementations auxquelles les opérateurs devront se conformer.

Toutes ces mutations vont impacter le fonctionnement et les acteurs du marché. Les opérateurs de proximité sont des structures agiles qui peuvent tirer parti de ces mutations dès lors qu’elles ont été correctement analysées pour être transformées en opportunités de marché, favorisant ainsi le développement des territoires. Le travail collaboratif mené en interne au sein de l’AOTA permet de mutualiser le travail d’analyse afin de s’adapter rapidement aux nouvelles évolutions du marché.

  1. En quoi, les opérateurs de proximités peuvent apporter des solutions aux besoins non satisfaits aujourd’hui ou aux nouveaux besoins de demain ?

Les opérateurs de proximité connaissent bien les besoins des entreprises/collectivités locales, car ils ont non seulement une maîtrise de la géographie de leur territoire, mais proposent également une approche projet sur mesure axée sur le déploiement de solutions agiles. Leur offre de services élargie (infrastructure réseau, connectivité réseau, cybersécurité, hébergement des données, téléphonie, etc.) leur permet d’apporter un support de proximité en maîtrisant toute la chaîne technique des solutions proposées dans des délais courts.

Nous sommes un trait d’union entre le rôle historique d’opérateur télécom de grande envergure et la société de services informatiques. À titre d’exemple, de nombreux opérateurs de proximité ont compris depuis des années la nécessité d’associer le rôle d’opérateur à celui d’hébergeur. Les grands groupes et l’État ont pris beaucoup de retard sur le sujet et peinent à proposer des initiatives pour produire des solutions « souveraines ». Celles-ci se soldent majoritairement par des échecs malgré l’investissement massif engagé.

Or, ces offres existent déjà parmi la majorité de nos adhérents. La valorisation des grandes entreprises et la volonté de créer des marchés uniques représentent une vision de l’ancien monde et ne sont plus en adéquation avec les besoins de développement des territoires pour un numérique durable avec une empreinte carbone réduite.

A la vision pitoyable de ces géants du numérique dont l’impérialisme et l’égo exacerbé de leur dirigeant aboutit à un projet hallucinant de combat dans une cage de MMA(*), nous opposons un écosystème collaboratif d’entreprises basé sur le respect mutuel et les valeurs du collectif au service d’un numérique humain et responsable, synonyme de vecteur de progrès pour les entreprises et plus largement la société.

(*) Combat de MMA (Arts Martiaux Mixtes) entre Elon Musk (Patron de Tesla, SpaceX, Twitter …) et Marc Zuckenberg (patron de META)

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