Régulation : Pourquoi il est nécessaire de renforcer le cadre asymétrique

Depuis sa création en début d’année, peu avant la fin du plus récent cycle d’analyses de marché, l’AOTA milite activement pour une régulation asymétrique.

Hélas, ce choix de régulation reste peu soutenu par le régulateur sectoriel français, l’ARCEP, qui privilégie une régulation symétrique.

  • Qu’est ce qu’une régulation asymétrique ?

Le mode classique de régulation des réseaux numériques est dit « asymétrique » parce qu’il ne s’impose pas uniformément à tous les opérateurs présents sur le marché concerné.

Il s’applique en effet aux seuls opérateurs détenant une position dominante – en pratique, l’opérateur historique, Orange – qui, au terme d’analyses de marché par le régulateur sectoriel, se voient imposer des obligations spécifiques telles que l’accès à son réseau cuivre ou à son infrastructure de génie civil (hérité du domaine public national des télécommunications).

  • Les suggestions de la Commission Européenne

Depuis nombre d’années, la position d’Orange (ex-France Télécom) n’a cessé de se renforcer malgré quelques remèdes de la régulation.

Les dernières analyses de marché du régulateur français n’apportent guère plus d’obligations au détriment de la concurrence qui attendait plus que jamais des décisions fortes pour animer un marché fibre français B2C en difficultés face au pouvoir écrasant d’Orange et un marché B2B en état léthargique.

La primauté de la régulation asymétrique et la possible insuffisance de la régulation symétrique ont été rappelées à plusieurs reprises par la Commission Européenne dans ses lettres relatives aux précédents projets de régulation de l’ARCEP.

Dans un courrier de la Commission Européenne en date du 5/11/2009, il est par exemple indiqué que « en particulier, si les mesures proposées ne créer pas la concurrence par les infrastructures souhaitée dans les zones très denses, ou sur le reste du territoire français (où seul le déploiement d’une infrastructure mono-fibre peut s’avérer économiquement viable), l’ARCEP devra étudier l’opportunité d’imposer des formes asymétriques d’accès aux infrastructures en fibre optique. »

Faute d’actions correctives, la Commission Européenne relance le 26/05/2011 : « La Commission insiste néanmoins, comme elle l’a fait dans les observations formulées précédemment, sur la nécessité d’établir sans délai une régulation adressant la puissance de marché claire et prévisible, conformément à la recommandation NGA selon laquelle les ARN devraient, en principe, imposer l’accès dégroupé à la boucle optique et des mesures correctrices relatives à la fourniture en gros d’accès à haut débit. Par conséquent, la Commission demande à l’ARCEP de réévaluer, conformément à l’article 8 de la directive ‘Accès’ et aux articles 22 et 31 de la recommandation NGA, la nécessité d’imposer, déjà pour la période couverte par l’analyse de marché examinée ici, des mesures correctrices concernant l’accès de gros à la fibre sur les deux marchés considérés, notamment dans les zones géographiques qui, selon l’ARCEP, ne sont pas concurrentielles et où la duplication d’un réseau en fibre optique est improbable pendant la période considérée. »

Et enfin, dans un courrier en date du 12/6/2014, « la Commission invite l’ARCEP à suivre de près l’efficacité des obligations symétriques en matière d’accès et à reconsidérer, au besoin, l’imposition d’un accès de type bitstream fondé sur la fibre dans les zones non câblées où un monopole sur la fibre peut s’établir, empêchant l’émergence d’une situation de concurrence suffisante pour permettre aux demandeurs d’accès de fournir des services à très haut débit sur le marché de détail. »

  • Analyses de marché version 2017 : décisions à venir

De toute évidence, les suggestions de bon sens de Bruxelles n’ont pas été suivi de grands effets par l’ARCEP à ce jour, laissant de facto l’opérateur historique français prendre sereinement près de 70% de parts de marché sur la fibre en zone AMII. Et tout autant en zone RIP sur le FTTH lorsque le catalogue ne comporte aucun service activé (Mégalis Bretagne, Auvergne THD, etc) … les contribuables apprécieront.

Pendant ce temps, sans accès activé (bitstream) au réseau FTTH d’Orange imposé, les opérateurs alternatifs étaient incapables de suivre le rythme d’un déploiement de Boucle Locale Optique Mutualisée fondé sur une architecture conçue par et pour l’opérateur dominant. En effet, qui aurait les moyens de dégrouper des centaines de PMZ de 300 lignes (censés être une exception) dans les zones de moyenne densité ou des dizaines de milliers de PMZ situés en pied d’immeuble en ZTD ?

Pour les opérateurs régionaux qui adressent le marché B2B et dont les clients exigent pour bon nombre des solutions multi-sites dans diverses régions, l’urgence est plus que jamais de pouvoir répliquer la capillarité de l’opérateur historique tout en maitrisant par exemple l’adressage IP et les offres tarifaires agressives de celui-ci. Or, seule une offre bitstream régulée fondée sur le réseau de l’opérateur dominant peut permettre cela et non une offre en marque blanche reléguant l’opérateur commercial alternatif en simple revendeur d’Orange ou une offre d’accès revendue via différents intermédiaires (Orange -> Opérateur d’infrastructure -> Opérateur de détail ou Agrégateur -> Opérateur de détail ou Client Final) avec l’empilement de marges associé ce qui contribue à fragiliser le modèle économique d’acteurs tels que les Opérateurs de détail.

De même, localement, l’ouverture facilitée des NRO pour héberger des équipements est également un pré-requis indispensable et complémentaire au bitstream pour investir dans l’infrastructure et voir émerger une compétition plus forte dans les territoires urbains et ruraux. Les premiers échanges avec le régulateur sur ce volet restent en l’état insatisfaisants pour les opérateurs régionaux.

Espérons donc que la fin d’année 2017 sera propice à corriger ces anomalies pour que le marché B2B français ne reste pas le parent pauvre de la régulation malgré les alertes répétées ces derniers mois (et années) des acteurs alternatifs et de la Commission Européenne.

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