L’AOTA a adressé mi-décembre un courrier à l’ARCEP en réaction aux nombreuses actualités du secteur parues en décembre 2023. Nous regrettons que les observations formulées par de nombreux acteurs, dont des parlementaires, s’agissant tant du bienfondé des arguments avancés par Orange pour maximiser sa rente que des remèdes à apporter sur les marchés de gros entreprises n’aient pas été suffisamment prises en compte par l’ARCEP.
- L’augmentation rapide (1er mars 2024) et considérable (+16% sans paliers intermédiaires) des tarifs de gros d’Orange, sur les accès cuivre et le génie civil (les poteaux en surface et conduites souterraines…).
Cette offre risque de dégrader significativement la rentabilité des offres commercialisées par les opérateurs alternatifs à destination des clients, entreprises comme collectivités, non encore raccordés à la fibre optique. Non seulement elle va procurer à Orange une rente illégitime, mais elle risque aussi de renforcer la position dominante d’Orange sur le marché entreprises.
En effet, car si Orange sur le marché de gros répercutera cette hausse sur l’ensemble des offres souscrites par les opérateurs concurrents, rien n’indique que sa branche de détail ne la répercutera pas. Dès lors, face à une hausse conséquente de leur coûts de production obligés, les opérateurs alternatifs verront leur équilibre économique dégradé. De telles pratiques, consistant à mettre à l’épreuve la solidité financière de concurrents par des offres de détail aux tarifs déconnectés des tarifs de gros, sont susceptibles d’être qualifiées d’abus de position dominante lorsqu’elles émanent d’un acteur disposant de part de marché écrasante tout en étant fournisseur incontournable de ses concurrents.
- Les problèmes de méthode concernant le 7eme cycle d’analyse de marché et les évolutions tarifaires envisagées.
Les outils de régulation tarifaire allégée envisagés par l’Arcep, la notion de « tarifs non excessif » et de « test de reproductibilité » sont complexes, susceptibles de générer une insécurité juridique, voire même d’être inopérants. Ils induisent une imprévisibilité forte tant pour les opérateurs alternatifs que pour les clients finals d’un marché entreprises déjà malmené par plusieurs cycles d’analyses déficients.
Or l’AOTA tient à rappeler que le cadre réglementaire européen n’impose aucunement de déréguler sans garde fous le marché de l’accès. L’exemple suivi par plusieurs pays Européens (Espagne, Norvège, Pays-Bas, Allemagne, Portugal…) devrait au contraire inciter l’ARCEP soit à maintenir l’orientation vers les coûts efficaces, soit opter pour un « Price/Safety Cap ».
L’AOTA note que dans ses observations formulées à l’ARCEP le 24 novembre 2023, la Commission la prie instamment de compléter ses projets de décisions par de tels mécanismes.
- La question cruciale de la nécessaire séparation fonctionnelle au sein d’Orange pour favoriser une libéralisation totale du marché des télécommunications.
Une telle opération présenterait des intérêts certains pour la compétitivité nationale :
- Créatrice de valeur pour le secteur dans le cas de la création d’une structure, d’envergure nationale ou locale, dont l’objet est de louer, maintenir et développer à un tarif reflétant les coûts un réseau de génie civil public utilisé par l’ensemble des opérateurs intervenant sur la fibre optique, qu’ils soient grand public ou entreprises.
- Retour d’un contrôle public d’un actif stratégique pour la nation: si la loi de 1996 avait prévu une obligation pour France Télécom de solliciter l’autorisation des pouvoirs publics pour tout projet de cession d’actifs issus de l’ancien domaine public national des télécommunications, cette garantie a été supprimée par le législateur en 2003. Adosser l’entité opérant cet actif stratégique à un opérateur économique de 1er plan bras armé de l’Etat (tel que la Caisse des Dépots) serait de nature à s’assurer de maintien dans le giron national de cet actif stratégique.
Ce type de montage existe sur la quasi-totalité des réseaux de la vie quotidienne (énergie, eau…)… sauf pour les télécoms à ce jour (hormis quelques exceptions très localisées, comme quelques régies dans l’Est de la France).
A la différence d’Orange, nullement incitée à ce jour à maximiser l’utilisation de cet actif, un tel opérateur pourrait investir et développer son infrastructure de génie civil au bénéfice des opérateurs utilisateurs et des utilisateurs finals et créer ainsi de nouvelles artères de génie civil répondant à l’évolution du foncier (nouvelles zones d’habitation, relocalisation d’activités industrielles nécessitant des solutions de connectivité performantes).
En outre, cet opérateur pourrait offrir une sécurité et une stabilité tarifaire de long termes nécessaires pour favoriser les investissements des opérateurs télécoms qui déploient les câbles et fournissent des services innovants à des tarifs attractifs.
Lire l’article dans l’Informé le 08.01 à ce sujet