Fibres interurbaines : L’AOTA interpelle Bercy sur le tarifs des fibres optiques autoroutières

La crise sanitaire et le confinement auront mis en évidence un paradoxe bien français : côté pile, des réseaux résilients qui ont permis un maintien de l’activité économique, sociale, culturelle, éducative du pays, et côté face la fragilité des entreprises et administrations en matière de transformation numérique.

Si le rôle essentiel des autoroutes pour l’aménagement du territoire avec le désenclavement des régions au profit des citoyens, acteurs économiques et collectivités locales n’est plus à démontrer, en revanche on n’insistera jamais assez sur l’importance capitale que peut revêtir ces infrastructures essentielles pour la transformation numérique de nos entreprises et administrations en régions et réussir la transition écologique par le développement de services numériques performants.

En effet, les autoroutes disposent d’un patrimoine de fourreaux et de fibres optiques qui permettent de relier entre eux les différents territoires, pôles économiques, zones d’habitat.

Dans le cadre des opérations de construction et de maintenance du réseau autoroutier, les sociétés concessionnaires ont déployé des infrastructures de génie civil (fourreaux) abritant des câbles en fibre optique, initialement pour leurs propres besoins (réseau de caméras de vidéo-surveillance, panneaux d’information, signalisation routière adaptative au trafic à des fins de régulation, services délivrés sur les aires de repos aux usagers…).

Les membres de l’AOTA, opérateurs de proximité résolument engagés dans la transformation numérique de nos territoires, ont dès lors un intérêt naturel à l’utilisation de ces ressources leur permettant ainsi de s’interconnecter avec les points de présence des opérateurs nationaux et internationaux situés dans les grandes métropoles de notre pays.

Or, exploitant une faille de la régulation puisque ces acteurs ne sont pas soumis à des obligations spécifiques au titre d’analyses de marchés pertinents établies par l’ARCEP, la plupart des sociétés exploitant des autoroutes proposent des modalités techniques et tarifaires de commercialisation de leurs fibres optiques, pourtant déjà largement amorties pour la plupart, pouvant refléter des pratiques restrictives de concurrence, prohibées par les dispositions du code de commerce tant les tarifs sont prohibitifs.

Conscient de la nécessité de repenser la relation entre l’Etat, propriétaire des infrastructures concédées, et les sociétés privées exploitant les autoroutes, le Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, auditionné le 16 juillet dernier par la commission d’enquête du Sénat sur les concessions d’autoroutes a plaidé pour un renforcement de la régulation des concessions autoroutières, en souhaitant des contrats plus courts avec les gestionnaires privés et des rendez-vous réguliers pour réévaluer leur rentabilité, afin de s’assurer, pour reprendre ses propos, que « les concessionnaires ne bénéficient pas d’une sur-rentabilité ».

Dans cette perspective, l’AOTA a récemment attiré l’attention du Ministre sur les pratiques des concessionnaires autoroutiers qui sont susceptibles, selon ses membres, de constituer des pratiques restrictives de concurrence justifiant l’intervention des pouvoirs publics à l’instar de l’action initiée concernant les pratiques d’Amazon à destination de ses vendeurs marketplace.

Compte tenu de la position significative détenue par les sociétés d’autoroutes sur le marché des liaisons régionales, les modalités actuellement imposées par les sociétés d’autoroutes nous semblent de nature à refléter des pratiques restrictives de concurrence prohibées par l’article L.442-1 du code de commerce et pouvant justifier l’intervention des pouvoirs publics sur le fondement de l’article L.442-4 du même code.

Faute de pouvoir emprunter ces infrastructures en raison de tarifs prohibitifs d’une part, et d’une protection d’autre part des gestionnaires quant à l’usage de leurs fourreaux déjà largement amortis pour la plupart d’entre eux et loués à des conditions délibérément désavantageuses, les opérateurs de proximité sont contraints d’utiliser les offres éclairées (WDM) ou inactivées (FON) d’opérateurs tiers, pour certains non-européens, elles-mêmes proposées à des tarifs non régulés et qui ne permettent pas de créer les conditions d’une concurrence locale efficace souhaitée par l’ARCEP sur le marché entreprises, professionnels et collectivité, qualifié de parent pauvre de la régulation selon les propres termes du Président de l’ARCEP en 2017.

Alors qu’il serait possible de capitaliser sur une démarche vertueuse en matière d’économie circulaire (les besoins d’opérateurs de proximité étant investis dans des acteurs nationaux/européens contribuant à la pérennité d’un secteur essentiel à notre économie), les opérateurs alternatifs se retrouvent dans une situation où la création de valeur est ainsi captée par des acteurs le plus souvent Américains, et contribuant à asseoir encore un peu plus leur domination mondiale sur les infrastructures essentielles dans nos pays. Un comble que l’économie française ne soit ainsi pas valorisée efficacement dans l’intérêt commun faute de tarifs adaptés chez les grands gestionnaires d’infrastructures français.

Faute d’offres de gros adaptées et d’accès efficient aux infrastructures d’accueil détenues par des acteurs qui ne sont pas nécessairement opérateurs de communications électroniques, le marché des télécoms d’entreprises et institutions publiques se caractérise par un manque flagrant d’offres compétitives et innovantes. Les entreprises et collectivités accusent ainsi un retard inquiétant dans leur transformation numérique comparé à leurs homologues européennes, si bien que notre pays se classe à la 15ème place dans le comparatif réalisé chaque année par la Commission Européenne.

L’AOTA regrette que ni l’ARCEP ni l’Autorité de la Concurrence, en lien avec l’ARAFER, ne se soient auto-saisis de ce sujet. Il est également profondément regrettable que les obligations pesant sur SFR concernant les réseaux interurbains aient récemment été levées dans le prolongement du dossier Kosc.

C’est pourquoi l’AOTA a demandé aux pouvoirs publics de tenir compte de ce sujet, crucial pour la compétitivité de nos entreprises et collectivités, dans un contexte où ces dernières sont appelées à renforcer localement leurs services informatiques pour faire face aux besoins renforcés du fait des mesures mises en place pour faire face à la crise sanitaire.

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